Peintre, architecte d‘intérieur, créateur de mobilier et de céramiques, écrivain, théoricien et humaniste.
Fils de l’architecte Frantz Jourdain, il reçoit une formation d’ouvrier d’art en verrerie, étudie le dessin et la peinture, fréquente les Nabis et montre ses premières dessins et peintures à la galerie Druet. En 1901, il est l’un des fondateurs de la Société́ de l’Art pour Tous – groupement de propagande esthétique. Au Salon d’Automne de 1904, il expose un buffet qui annonce la série à venir des meubles interchangeables et quelques tableaux. Il abandonne progressivement la peinture de chevalet pour se consacrer à la création de mobilier et à l’aménagement intérieur. En 1911, à Esbly en Seine-et-Marne, il fonde Les Ateliers Modernes qui produisent du mobilier – en bois – de formes sobres, dont les éléments, tables, chaises, fauteuils, bibliothèques…, sont combinables, interchangeables, ce qui signifie qu’ils peuvent être assemblés les uns aux autres, disposés dans tous les espaces de l’habitation, voire même en modifier l’agencement par la pose de pièces « plurifonctionnelles » comme des murs-cloison-bibliothèque-banquette. Très tôt, il introduit des notions nouvelles telles le « désencombrement » des intérieurs, l’interchangeabilité, la modularité́ et la série, la vente sur catalogue. Engagé et militant pour plus d’humanisme, ce mobilier innovant, aux formes sobres tient compte autant du goût que des nécessités quotidiennes ; il est conçu pour être accessible à toutes les bourses. Combinable, il s’adapte aisément à toutes les surfaces et s’intègre dans les espaces intérieurs comme de véritables prolongements de l’architecture. 1913 est une année riche de créations, mobilier, aménagements intérieurs, décors pour les rénovateurs du théâtre que sont ses amis Jacques Copeau et André́ Antoine. Parallèlement il effectue divers travaux d’agencement pour des bureaux et des boutiques comme les bureaux de la société d’éclairage Lazare Lévy en 1917, les Éditions Crès (1924) ou le Claridge’s shop (1925).
Adepte des théories du viennois Adolf Loos, énoncées dans le célèbre Ornement et Crime, la sobriété́ voire la rigueur de ses ensembles est tempérée par des céramiques, tapis, verrerie, tissus colorés et papiers peints qu’il conçoit également, expose et vend dans sa boutique Chez Francis Jourdain, ouverte, 2 rue de Sèze à Paris, en 1919.
Toujours en quête d’innovations, la présentation d’une étonnante nursery au Salon d’Automne montre dès 1920 sa volonté d’appliquer ses concepts modernes et de les adapter aux chambres d’enfants et à leurs jouets, s’efforçant ainsi de créer pour eux, un environnement à la fois rationnel et hygiénique. Il en réalisera une deuxième à la demande de Mme James de Rothschild, confirmant ainsi l’adaptation de ses principes à la création d’un univers pour l’enfant. Il bénéficie d’une clientèle variée, réalise de nombreux aménagements pour des amis comme George Besson et travaille avec de nombreux éditeurs, tels que « À la Place de Clichy », éditeur de ses tapis et d’une salle à manger, la Maison Tricotel pour laquelle il conçoit du mobilier de jardin, la Société Messidor, mais aussi Abel Motté, éditeur exclusif de ses sièges et d’une de ses salles à manger à partir de 1920.
C’est en 1922, au Salon d’automne qu’il se lie d’amitié́ avec Pierre Chareau, Gabriel Guévrékian et Rob. Mallet-Stevens avec qui il entretient une collaboration suivie. Il participe à la décoration de la Villa Noailles à Hyères, construite par ce dernier pour le Vicomte Charles de Noailles en 1925.
Lors de l’Exposition Internationale des Arts décoratifs et Industriels de Paris, il reçoit deux commandes importantes. L’une émane de la Compagnie des chemins de fer Paris-Orléans qui lui confie la conception d’un Wagon-fumoir, l’autre du Pavillon du Salon des Artistes Décorateurs, avec un fumoir et une salle de culture physique pour l’Ambassade Française.
C’est à la même époque qu’apparaît dans son discours, l’idée du « Bazar », concept récurrent dans ses écrits. Lassé de voir présentées lors des grandes expositions internationales et universelles des pièces uniques, surchargées d’ornements passéistes, destinées à une élite, Jourdain décide de suggérer aux organisateurs une alternative à ce qui lui semblait à présent insupportable. Après avoir entendu des visiteurs comparer ces expositions à de vastes bazars, il émet l’idée d’un « bazar d’objets ménagers de la vie quotidienne » présentant de « bons et beaux objets » accessibles pour le plus grand nombre. Cette idée qui ne sera pas retenue constitue une des bases théoriques qui préludent à la formation de la section formes utiles.
Un an plus tard, il ouvre un atelier chez lui, 26 rue Vavin. Il est contraint de cesser l’édition de ses meubles vendus sur bon de souscription, et se consacre principalement à l’aménagement d’intérieurs pour des particuliers.
Durant l’année 1926-1927, il rénove un appartement pour M. Robert Draeger, et en 1928, un autre pour René Gas. Il réalise également les aménagements des habitations de certains de ses amis et de proches comme le sculpteur Jan Martel, le sculpteur Chana Orloff, son fils Frantz-Philippe, la créatrice de tissus Hélène Henry (1927) ou encore l’architecte Rob Mallet-Stevens (1927), pour lequel il conçoit de nombreuses pièces de mobilier.
En 1929, membre du premier comité́ directeur de l’U A M, il participe à la première exposition du groupe au Pavillon de Marsan, il n’expose pas de mobilier mais de petites sculptures animalières en tôle pliée. Il cesse peu à peu d’exposer mais participe toutefois aux aménagements des bureaux de la revue La Semaine à Paris avec Pierre Chareau, Rob. Mallet-Stevens, Charlotte Perriand, René Herbst….
Ses dernières réalisations sont parmi les plus importantes. La première est l’ensemble présenté dans le Pavillon de l’UAM lors de l’exposition internationale de 1937 à Paris. L’intitulé « logis type pour une travailleuse manuelle ou intellectuelle », est dans la lignée des préoccupations sociales qui l’animaient. La seconde est une commande qui comprend l’aménagement complet du bureau du directeur du Collège de France en 1938.
Dès l’année suivante Francis Jourdain cesse son activité de créateur de mobilier et se consacre presque exclusivement à ses engagements politiques, associatifs et à ses activités de critique et d’écrivain. Il entame la rédaction de ses mémoires réparties en trois volumes distincts : Né en 76, Sans remords ni rancune, et Jours d’alarme.
En 1948, il est nommé́ président du Club Mallet-Stevens et président d’honneur de l’UAM Pionnier et fédérateur, il joue un rôle actif dans la constitution d’un mouvement moderne français. Il consacre la fin de sa vie à l’écriture de ses mémoires, à celles de monographies de peintres : Lautrec, Cézanne, Bonnard… et, fidèle à ses engagements, aux œuvres sociales, plus particulièrement au Secours Populaire dont il est le premier Président.
Il s’éteint à Paris le 31 décembre 1958.