Architecte, décorateur, créateur de mobilier et de luminaires, enseignant.
Rob. Mallet-Stevens est né à Paris le 24 mars 1886. Son père, Maurice Mallet, expert en tableaux, fut l’un de ceux qui contribuèrent à défendre les peintres impressionnistes : Sisley, Pissaro, Monet et Degas. Son grand-père, Arthur Stevens, dont il reprit le nom selon la coutume hispano-flamande, lui révéla Millet et Corot. Il étudie à l’École Spéciale d’Architecture de Paris entre 1905 et 1910 et en sort diplômé, premier de sa promotion. Parallèlement, à Bruxelles, son oncle le baron Stoclet, commande à l’architecte viennois Joseph Hoffmann un palais. Entre 1905 et 1911 Mallet-Stevens fera de nombreuses visites du chantier et ses premières créations montreront des emprunts stylistiques et un vocabulaire commun à l’architecte viennois. Au cours de cette même période, et bien avant de pouvoir concrétiser son désir d’architecture, Mallet-Stevens écrit, expose au Salon d’automne à partir de 1912, rencontre Frantz et Francis Jourdain, Pierre Chareau et René Herbst, dessine, en particulier l’album préfacé par Frantz Jourdain Une Cité Moderne en 1922 d’inspiration nettement viennoise.
En 1924, il participe à la création du Groupe d’art urbain. Le cinéma, un art d’équipe à propos duquel il a beaucoup écrit, lui offre l’occasion de mettre en œuvre ses réflexions théoriques sur la perception de l’espace, les volumes, la lumière. En 1923-1924, il conçoit pour L’Inhumaine de Marcel L’Herbier, les architectures extérieures et la chambre du personnage principal, la cantatrice Claire Lescot interprétée par Georgette Leblanc. Pour Le Vertige en 1926, toujours pour L’Herbier, il est chargé de la totalité des décors et fait intervenir les créateurs modernes de l’époque, Fernand Léger, Pierre Chareau, Francis Jourdain, Sonia Delaunay, l’atelier Martine, etc.
Le couturier Paul Poiret lui commande l’édification à Mézy dans les Yvelines, d’une résidence pour sa famille. Le chantier débute en 1922 mais ne sera jamais totalement achevéen raison de la faillite du couturier en 1926. La propriété est vendue en 1930 à Elvire Popesco. Mallet-Stevens reprend le projet, effectue une série de modifications en 1934 mais la guerre éclate et la demeure sera terminée après-guerre par l’architecte Paul Boyer. En 1923, Marie-Laure et Charles de Noailles, commandent à Mallet-Stevens la construction d’une villa à Hyères, sur la côte varoise. Au fil des ans et d’ajouts successifs, le traitement des façades et des toits terrasse conférant une unité à l’ensemble, la villa compte une soixantaine de pièces, une piscine, un gymnase, une salle de squash, un jardin triangulaire dit « cubiste » dû à Gabriel Guévrékian, du mobilier de Pierre Chareau dont celui pour la chambre de plein air, des horloges synchronisées, identiques dans chaque pièce, de Francis Jourdain, une intervention de Theo van Doesburg, des vitraux de Louis Barillet, le premier tableau de Piet Mondrian jamais acheté́ en France, etc. Un concentré d’invention et de modernité que le cinéaste et photographe Man Ray traduit dans son film Le Mystère du château de Dé.
En 1925, pour l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, Mallet-Stevens travaille sur le hall d’entrée d’une ambassade française, le Pavillon du syndicat d’initiative de Paris et le Jardin Jean Goujon où sont plantés les arbres à béton de 5 mètres de hauteur des sculpteurs Joël et Jan Martel.
De 1925 à 1934, il réalise plusieurs habitations comme celles de M. Auger-Prouvost à Ville d’Avray, l’hôtel de Mme Collinet à Boulogne ou celle de M. Gompel à Paris. Mais ce sont surtout les villas urbaines de la rue Mallet-Stevens « réservées à l’habitation et au repos »inaugurées le 20 juillet 1927 qui montrent la grande originalité de l’architecte. Édifiées sur un terrain appartenant à Daniel Dreyfus, il y a d’abord celle d’Hélène Reifenberg pour lesquels interviennent Pierre Chareau, Bernard Bijvoet, Francis Jourdain, Louis Barillet et Jacques Le Chevallier, Jean Prouvé pour la grille d’entrée, puis celle de Éric et Hélène Allatini, celle de Daniel Dreyfus, le banquier propriétaire et promoteur du terrain d’Auteuil, et la maison-atelier des frères Martel. Pour ces derniers, Francis Jourdain conçoit une partie du mobilier, étagères, bibliothèques, casiers, tous suspendus et coulissants sur des rails. Vient ensuite la propre maison de l’architecte qui comprend son agence et son appartement privé. Se succèdent alors d’autres réalisations remarquées : La Pergola, le casino municipal de Saint-Jean-de-Luz en 1928, l’immeuble de rapport de la rue Méchain à Paris entre 1928-1929 pour lequel l’architecte soigne particulièrement les équipements intérieurs, les façades des magasins Bally et des Cafés du Brésil, à Paris et en province en 1930, avec l’ingénieur éclairagiste André Salomon qui l’accompagne sur tous les projets, l’atelier de son ami Louis Barillet, square Vergennes à Paris en 1931-1932 ou la Caserne des pompiers de la rue Mesnil toujours à Paris en 1936 et qui est l’unique commande publique que reçoit Mallet-Stevens. Toutes ces réalisations sont pour lui l’occasion de réunir les maîtres modernes de l’époque pour un travail partagé. C’est donc naturellement qu’il est désigné premier président de l’Union des Artistes Modernes et qu’il le restera jusqu’à sa mort.
La synthèse de toutes ses recherches se retrouve dans son œuvre emblématique, la « villa Cavrois » édifiée entre 1929 et 1932 dans le nord de la France à Croix à la demande de l’industriel Paul Cavrois.
Nommé directeur de l’École d’architecture de Lille en 1935, il partage ses activités entre enseignement et création personnelle.
Au salon d’Automne de 1936, il présente un prototype de mobilier scolaire original conçu en un seul bloc.
La même année, dans le cadre de l’exposition internationale de 1937, Mallet-Stevens propose avec Pingusson, Rotival et Greber un Projet pour un Stade olympique. De nombreuses variantes témoignent de ce programme urbain de grande envergure pour lequel était entre autres prévus un stade d’athlétisme et un nautique, un bassin pour régates, des terrains de tennis, le ministère des sports …
L’Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne de 1937 est la dernière grande manifestation à laquelle il participe avec la réalisation de nombreux pavillons : le Pavillon de L’hygiène avec René Coulon, le Pavillon de la solidarité nationale, le Pavillon de La Lumière et de l’Électricité avec Georges- Henri Pingusson et André Salomon, le Pavillon des Cafés du Brésil, le Pavillon de la régie des tabacs et avec les frères Martel le Signal tout en ciment des Ciments français.
Ses dernières réalisations seront pour l’Exposition du progrès social à Roubaix et Lille en 1939 qui sera interrompue le 3 septembre 1939 : à la suite de l’agression de la Pologne, laGrande-Bretagne et la France déclarent la guerre à l’Allemagne. Pendant l’occupation, Mallet-Stevens se réfugie avec sa famille en zone libre.
Il meurt le 8 février 1945 à Paris.